POP Montréal 2021
Un beau 20e anniversaire,
pour POP Montréal
par Nicolas Pelletier, initialement paru sur QUB musique, 27 septembre 2021
20 ans de Pop Montréal... ce n’est pas rien!
Le festival montréalais roule sa bosse en misant sur les artistes émergents — vraiment — réussissant à faire apprécier aux mélomanes de nouveaux talents qui seraient peut-être passés sous le radar autrement. Véritable marathon à chaque année, alors que plus de 500 artistes nous font courir de la Sala Rossa, au Rialto, puis au Ritz PDB, ou au Fairmount, Ô Patro Vys, puis au Ministère, au Centre PHI, parfois même jusqu’à l’église St-Jean-Baptiste et à La Tulipe pour tenter d’attraper le maximum de belles surprises.
Je ne sais plus depuis combien d’années j’ai le plaisir de couvrir Pop Montréal (au moins 12?) et je suis souvent tombé à la renverse. Je nommerai tUnE-yArDs, Ought, Lost in the Trees, Katie Moore, The Rural Alberta Advantage, Cones, Parlovr, Nancy Pants, The Baggios, Junglepussy, Câltar-Bateau, Petra Glynt, CTZNSHP, Viet Cong... parmi les surprises mémorables.
Au fil des éditions, l’équipe du fondateur et directeur Dan Seligman a également réussi de très beaux coups en faisant venir John Cale, David Byrne & St. Vincent, Grizzly Bear, Nick Cave, Sun Kil Moon, The National, The Dodos, Akron/Family, Burt Bacharach (!), Fever Ray, en reformant The Unicorns le temps d’un concert en 2014, et en permettant à Phil Elverum (Mount Eerie) d’exprimer sa peine suite au décès de sa conjointe montréalaise, la bédéiste Geneviève Castrée, lors d’une soirée chargée d’émotion, à la Fédération ukrainienne.
Cette année, alors qu’on se relève (?) d’une longue attente sans concerts, c’est une version réduite à laquelle on a droit, mais on ne s’en plaindra pas: c’est déjà ça!
Parmi la dizaine d’artistes dont j’ai pu apprécier la performance, voici quelques notes de ce qui m’a marqué.
THE BESNARD LAKES
En écoutant Plants & Animals au FIJM la semaine passée, on remarquait qu’il y avait moins de bands rock ces dernières années, au profit du hip-hop. Que ça faisait du bien d’entendre des guitares électriques!
Un des excellents groupes rock des 15 dernières années est sans conteste The Besnard Lakes, qui n’ont vraiment rien à envier aux War on Drugs de ce monde pour ce qui est des longues envolées atmosphériques! Un duo de guitares acérées, un mur de son sous pression contrôlée et, surtout, des harmonies vocales parfaites! Le tout donne un rock grisant, envoûtant et puissant à la fois.
Jace Lasek est un chanteur hors pair, sachant aussi être subtil à d’autres moments. Il maîtrise la douceur comme la puissance, sur des progressions d’accord recherchées. Il y avait déjà un son de drone ambiant alors que la foule rentrait dans la mythique salle du Mile-End, sur lequel s’est greffée l’excellente Blackstrap quand les cinq musiciens ont pris place. On était en voiture pour 90 minutes de rock intense, pratiquement en continu. Plusieurs titres de leur plus récent album «The Besnard Lakes Are the Last of the Great Thunderstorm», paru plus tôt cette année ont été baptisés en public, et c’était grandiose.
Habilement soutenue par son épouse Olga Goreas (aussi bassiste) et Nicole Lisée (aussi claviériste), sa voix perce l’épaisse couche de guitares distortionnées (gracieuseté de Steve Raegele) et domine la pièce — le Rialto en l’occurrence. Les derniers bands rock qui m’ont fait cet effet remontent à dEUS (au Main Room, en 2005), Grizzly Bear (au National, en 2009), Tame Impala et Kurt Vile (à Osheaga, en 2012 et 2016). Oui, c’était à ce niveau-là. Wow!
FRED FORTIN
C’était une magnifique soirée de début d’automne. Il y a toujours quelque chose de spécial dans l’air, dans le Mile-End, à cette époque de l’année. C’est animé, mais relax. C’est agréable de marcher sur les rues Bernard, St-Viateur, Waverly... Certains marchands sont encore ouverts même s’il est passé 18 heures, mais ce sont surtout les cafés, portugais ou grecs, qui ont le monopole de l’activité. Quelques résidents tardent à fermer leur terrasse, des couples prennent une marche... et moi, je m’en vais voir un show de Fred Fortin. Et pas n’importe où: sur le toit du théâtre Rialto!
Et comme je m’en attendais, c’était un show magique! On n’a peut-être pas eu de coucher de soleil aux mille couleurs, mais Fortin et son fidèle acolyte Olivier Langevin ont été à la hauteur. Spectaculaires dans leur proximité, dans leur plaisir à jouer de la guitare électrique ensemble, à chanter les meilleures tounes de Fred. Il les a toutes faites: 10$, Oiseau, Led Zeppeline... et même Venus, de Gros Mené, en rappel. Fantastique de pouvoir apprécier l’un de nos meilleurs auteurs-compositeurs-interprètes dans un contexte à la fois intimiste et unique.
Bravo à POP Montréal d’avoir su utiliser cet espace qui sied bien au contexte pandémique: le nombre de personnes étant limité sur un toit, de toute façon.
LAURA NIQUAY
Une voix rauque, du caractère et une âme de sage. Voilà comment j’ai perçu l’artiste atikamekw Laura Niquay, faute d’avoir pu comprendre les paroles de ses chansons. Bien consciente que plusieurs d’entre nous étaient dans cette situation, elle a pris la peine de nous expliquer les thèmes de ses chansons: la nature, la famille, son parcours, ses rencontres, sa relation parfois difficile avec un père qui pouvait se refermer sur lui-même...
Ses thèmes sont universels et traditionnels, mais son rock est moderne, livré avec un edge artistique qui rend son art captivant. Laura Niquay est quelqu’un qui réfléchit sur la vie et son sens, qui prend conscience du parcours que l’on fait, du premier au dernier jour, des portes que l’on ouvre et des espaces que l’on explore.
Voilà une femme de son temps, qui a beaucoup d’aplomb, fière de ses origines et qui les célèbre en respectant sa culture et en embrassant réellement ses valeurs. Un beau moment.
Allez écouter son album Waska Matisiwin, c’est l’un des très bons parus cette année.
CLAIRE MORRISON
Elle a des fossettes quand elle sourit. Elle redevient sérieuse et en contrôle lorsqu’elle chante, dans la plus belle tradition des folk singers tels Joni Mitchell ou, plus près de nous, Katie Moore. Avec de solides textes et ses mélodies bien ficelées, Morrison était entourée de ses deux meilleurs amis, Judith au chant (une merveilleuse voix!) et percussions et Felix au plano. La complicité était évidente autant au niveau musical qu’humain.
Cette jeune femme a un beau talent mélodique, de raconteuse et un flow très agréable en plus d’une prononciation impeccable. J’ai hâte de pouvoir prendre le temps de réécouter ses textes.
Sa musique n’est pas disponible sur QUB musique, mais quelques titres le sont, sur BandCamp et YouTube.
AIZA
Confiante, drôle, sexy, fière d’être qui elle est, authentique, coquine, parfaitement bilingue... la chanteuse pop soul Aiza sait comment habiter la scène! Captivante, belle et fascinante, on ne voyait qu’elle!
Le sourire aux lèvres, l’œil vif, les hanches se soulevant sur le rythme, elle a livré son tour de chant avec l’aplomb de la future star qu’elle est. Des chansons en français ici, des sonorités caribéennes et africaines là... autant de touches enrichissant sa musique. J’ai eu un faible pour Emmène-moi. À tout juste 30 ans (c’était son anniversaire!), la Torontoise aux origines burundaises a un bel avenir devant elle. Les fans d’Ayo comme de Janelle Monae vont cliquer avec Aiza.
Une panoplie de «singles» vous attendent sur sa page artiste dont Sizzlin».